• Des enfants-rois? Vraiment?

     

    Des enfants-rois? Vraiment?

     

    Je suis chaque fois bien étonné, après plus d’une centaine de jours de conflit étudiant, de lire encore sur les réseaux sociaux différents commentaires des plus clichés empreints de mépris et de condescendance envers les étudiants.

     

    Parfois, on les définit comme des enfants-rois, d’autres fois comme des profiteurs du système. Cette grande faiblesse dans l’argumentaire de certains démontre que, la plupart du temps, ce débat est émotif avant d’être rationnel. En fait, il suffit de comparer un peu la situation des jeunes d’aujourd’hui avec celle de leurs prédécesseurs pour voir le caractère totalement non fondé de certaines de ces affirmations. Alors que leurs parents ont bénéficié d’une scolarité quasi gratuite, ont eu accès à des services publics gratuits, militent ardemment pour des baisses d’impôts et souhaitent une retraite dorée payée par ces générations qui les suivront, les étudiants d’aujourd’hui eux, se verront coup sur coup imposer une hausse des frais de scolarité, des hausses de tarifs, devront prendre leur retraite beaucoup plus tard, devront probablement accepter sans broncher une tarification de certains services publics, et devront à eux seuls rembourser la dette que leurs prédécesseurs leur auront léguée. Et on ose les traiter d’enfants-rois, d’enfants gâtés? Vraiment?

     

    En fait, il est tout à fait remarquable que, même si l’avenir des jeunes Québécois peut paraître sombre, plusieurs d’entre eux acceptent encore de se battre pour réussir à se tailler une place de choix dans la société. Ils ne l’auront pas facile, il faut l’admettre. La démographie joue contre eux. Il sera toujours plus payant électoralement pour un gouvernement d’élaborer des programmes d’aide aux aînés plutôt que d’investir dans la jeunesse et ça, le gouvernement Charest l’a rapidement compris. Mais une véritable administration responsable ne devrait-elle pas plutôt faire fi des considérations partisanes, s’élever au-dessus de la mêlée et avoir une vision d’avenir?

     

    Plutôt que d’agir en visionnaire, Jean Charest a usé de stratégies politiques pour tenter de faire oublier ses fiascos successifs. Diviser pour mieux régner. Tel est son adage actuel. «Politiquement, nous ne pouvons pas nous permettre un tel compromis», a laissé tomber la ministre Courchesne lors de ses pourparlers avec les étudiants. L’affirmation en dit long. Pour les libéraux, le dossier du conflit étudiant n’est devenu qu’un jeu politique. Je crois même que certains députés et ministres libéraux devaient souhaiter secrètement qu’il n’y ait pas d’entente pour pouvoir continuer à surfer sur cette vague de loi et d’ordre. Malheureusement, ça semble bien fonctionner. Une frange de la population paraît bien gober les demi-vérités et les bobards colportés par le gouvernement.

     

    La stratégie de Jean Charest est facile à cerner. Il tente de démoniser le camp des étudiants en les présentant comme des écervelés violents et égocentriques qui croient que tout leur est dû. Il a la même attitude envers le Parti québécois. Actuellement, face à l’impasse dans le dossier, aucune issue ne semble possible. La formation politique de Pauline Marois ayant exhorté le premier ministre de trouver une piste d’atterrissage satisfaisante pour les deux parties s’est rapidement fait accuser de vouloir augmenter les impôts. «Impôts», ce mot qui fait tant frémir dans les chaumières du Québec. Quoiqu’il en soit, je suis profondément convaincu que si l’on disait au Québécois que leurs impôts seront augmentés de 5%, mais qu’en revanche, ils n’attendront plus 12 heures pour se faire soigner dans les urgences et qu’ils n’auront plus à avoir de craintes que des viaducs leur tombent sur la tête, la très vaste majorité de la population serait en faveur d’une telle hausse.

     

    Mais devant tant d’incurie et d’incompétence à gérer le Québec, même les plus gauchistes d’entre nous peuvent avoir des réticences à devoir plonger davantage leurs mains dans leurs poches. C’est d’ailleurs très compréhensible. Qui veut payer pour des contrats très lucratifs donnés à des membres de la mafia ou pour des garderies offertes aux amis du régime? Par contre, une hausse d’impôts pour les mieux nantis serait sans doute davantage de l’ordre de la juste part demandée à chacun. Mais comme plusieurs d’entre eux sont de grands argentiers du Parti libéral…

     

    Bon, comme je suis à l’aube de la trentaine, probablement qu’on me taxera à mon tour d’être un de ces enfants-rois, même si je suis sur le marché du travail et que mes préoccupations premières sont envers les générations qui me suivront. Pour certains, les débats sains et l’argumentation solide semblent être un horizon inatteignable. Il est néanmoins impératif qu’en tant que société, nous soyons en mesure de voir à un épanouissement collectif de toutes les strates, plutôt que de tenter de diviser les citoyens sur les enjeux ponctuels.

     

    À court terme, nous ne pouvons que souhaiter des élections rapides pour tenter d’assainir ce climat vicié par tous les multiples conflits et scandales qui ont meublé les dernières années. Et pour l’avenir, souhaitons-nous des gouvernements rassembleurs, inspirants et inspirés. Lamartine a écrit : «Ce qui peut créer dédaigne de détruire». Le temps est venu, au Québec, de commencer à faire place aux créateurs. L’ère de la division et de la destruction doit être révolue. Ça presse!

     

    Diplômé en journalisme, l’auteur est enseignant au niveau primaire dans la région métropolitaine. Il effectue aussi actuellement des études en création littéraire à l’UQAM.

     

    Source: La Presse JERRY BEAUDOIN Enseignant au primaire

     

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